Portraits de ces femmes qui désobéissent – Nicole

D’où viens ton engagement ?

Pour moi, résister c’est une question de survie et de garder le moral. Dès que je suis quelque part où il n’y a plus de résistance, j’ai l’impression d’être une victime, d’être obligée de subir quelque chose que je ne veux pas subir car c’est hors de ma conscience humaine. Quand je ne résiste pas, je me sens mal psychologiquement !

Avant de militer, j’ai du voir un psy parce que j’ai voulu mettre fin à mes jours. Je ne comprenais pas qu’on puisse nous imposer un système comme celui dans lequel nous vivons, et je n’avais aucun espoir que cela change de mon vivant. Je me disais : “mais moi je ne veux pas vivre ça… Je ne suis pas un pantin, une marionnette d’une poignée d’êtres humains qui se prennent pour Dieu”. J’étais complètement perdue jusqu’à ce que je découvre la résistance dans le groupe des Désobéissants. J’ai fait plusieurs petites actions et je me suis apperçu que j’avais une sensibilité pour ce qui portait atteinte à la planète et à l’humain. Je me suis particulièrement intéressée à la médecine que je considère être une catastrophe. Pour moi, elle va plus nous tuer que nous guérir, à part pour quelques maladies rares ou en chirurgie. Nous faisons face aujourd’hui à des médecins qui ne cherchent plus à comprendre les causes des problèmes. Nous ne sommes jamais vraiment soignés.

Un jour j’ai fait une action sur un congrès de médecine générale, financé par les lobbies, où il y avait une conférence sur les dernières découvertes en nutrition, animée par McDonald, et une autre conférence sur les habitudes hydriques des adolescents, animée par Coca-Cola. On a trouvé ça insupportable. Des internes en médecine, qui ne voulaient pas exercer la médecine avec cette pression des lobbies, ont organisé une action contre ce sommet.

L’année d’après, les lobbies étaient partis, le sommet n’était plus financé par des laboratoires ou des grosses entreprises : notre action avait marché ! Je me suis alors dit que la désobéissance pouvait faire avancer les choses.

Pour moi, désobéir dans cette société, c’est comme prendre le maquis en 1945 pendant la guerre. Je me bats pour nos libertés dans ces mouvements. Je ne suis pas vraiment coordinatrice d’action, mais par contre je participe activement à beaucoup de projets ! Je rejoins Nantes à la rentrée par exemple, pour aller les aider. Je vais rejoindre le GIGNV car ils sont mobilisés sur de nombreux sujets. Je ne veux pas me mobiliser que sur le dérèglement climatique personnellement. Si j’avais le choix, c’est finalement contre le système entier que j’aimerais me révolter ! Pour moi, notre système mondialisé entraîne le problème des ressources, du climat, etc.

Je me rappelle une fois où je me suis sentie le plus mal : je voulais quitter la France car j’en avais marre des pressions que l’on pouvait vivre. Marre de ce système ! Mais j’ai alors pris conscience que je ne pouvais aller nulle part car dans la mondialisation, tout était pourri de partout…

Pendant les événements, je m’investis au maximum. Je vais aux préparations des actions, je vais aux semaines de montage, je donne un coup de main sur la comptabilité, j’aide à la cuisine quand il faut, parce que c’est important. Je suis rarement devant parce que je n’ai plus l’âge, mais j’apporte mon soutien arrière et j’aide ceux et celles qui sont devant.

J’ai découvert le monde la désobéissance à 50 ans. Avant, j’étais comptable et complètement dans le système. Je ne comprenais pas les grèves, je ne comprenais pas les manifs. Je regrette de m’être réveillée si tard !

Par contre, on m’a toujours considérée comme rebelle dans mon travail de comptable. Il y avait déjà quelque chose… J’ai commencé à aller mal à cause des lois relatives à la comptabilité dans les PME et TPE, là où je travaillais. Je voyais que les lois votées n’étaient pas applicables aux petites entreprises, et je trouvais ça révoltant de devoir lutter contre de ces règles face aux grosses multinationales qui étaient à l’origine de ces lois. En me rendant compte du système tel qu’il était, c’est là que j’ai commencé à déprimer.

Dans les actions que j’ai pu réaliser, j’ai adoré participer à l’action de la signature du CETA à Strasbourg. On s’était dit que tous les eurodéputés qui votaient pour ce traités passaient par-dessus de la démocratie en nous piétinant. Alors on a essayé de le représenter physiquement en s’allongeant avec plein de citoyens devant les deux entrées du Parlement Européen, et il n’y a pas un seul eurodéputé qui n’ait pas été obligé de passer par-dessus les citoyens allongés par terre. On leur disait : “Vous passez par-dessus les citoyens et la démocratie en votant cette loi, mais peut-être que si vous piétinez réellement ces citoyens, vous prendrez conscience de ce que vous êtes en train de faire !”  Cette action était vraiment très forte pour moi ! Vivre ça, c’est comprendre quelque part que plus on est nombreux à manifester physiquement ce qu’on pense et plus on sera écoutés. On ne peut pas contenir des millions de citoyens qui se soulèvent face à des traités, des lois, des sommets qui vont à l’encontre de leurs intérêts.

Que penses-tu de la place des femmes dans cet univers ?

Je trouve que dans notre milieu de désobéissance, on essaie vraiment d’être dans une bienveillance. J’ai remarqué que les hommes, dans ce milieu, essayaient de ne pas être sexistes. Mais moi je ne suis pas aussi extrême sur le sujet ! Quand j’entends quelqu’un faire une plaisanterie sur les femmes, si c’est un peu sexiste, je ne me formalise pas. Je sais que moi aussi je peux en faire sur les hommes, ce n’est pas méchant dans le fond. Je reconnais qu’il y a une recherche de parité dans le fait de donner la parole, distribuer la parole, etc. Moi je trouve ça très agréable à vivre et je suis touchée par cette recherche de parité.

Que vas-tu faire pendant la Fêtes des Possibles ?

Personnellement, j’ai passé déjà 12 ans à assister à beaucoup d’événements comme ce qui se passera pendant la fête des Possibles. Je ne suis pas blasée pour autant, mais j’aimerais trouver l’événement qui m’apportera des connaissances ou des réflexions nouvelles.