La Maison des Possibles à Nyons

Une maison au carrefour des enjeux sociaux et écologiques

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Maison des Possibles de Nyons

Temps de lecture : 11 min

En entrant à Nyons, ville touristique de 7000 habitants située au sud de la Drôme, je suis accueilli par une magnifique arche en pierre enjambant la rivière et une petite église surplombant le bourg.
On rejoint la Maison des Possible en traversant un dédale de ruelles pavées entre des maisons anciennes jusqu’à la bordure de la vieille ville.
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C’est dans ce décor qu’est située la Maison des Possibles, en bordure de la vieille ville, dans un grand pavillon. Un vélo et un grand panneau accrochés à la façade annoncent la couleur : « Ensemble vers une transition écologique, sociale et solidaire ».
Julie, animatrice du lieu m’accueille dans la cuisine du premier étage pour me parler de cette maison particulière et de la Fête des Possibles qui y a été organisée en septembre 2019 puis 2020.

Informations

  • Format : portes ouvertes de la Maison des Possibles
  • Organisateur : La Maison des Possibles, émanent d’un centre social

Ce qu’on retient

  • Avoir un lieu et les moyens pour l’animer catalyse les transitions sur un territoire
  • Convivialité, partage, co-construction sont les maître-mots pour réussir à impliquer les citoyen·nes dans les projets de transition

1. La Maison des Possibles, un lieu pour les transitions écologiques, sociales et solidaires

Le projet de la Maison des possibles a vu le jour en mars 2019 de la volonté du Centre Social « Le Carrefour des Habitants » et d’une maison de retraite.
Le centre social avait besoin de nouveaux locaux pour étendre son pouvoir d’agir et souhaitait s’engager en faveur des transitions à Nyons, tandis que la maison de retraite voyait d’un bon œil la vie que pouvait apporter les nouveaux utilisateur·rices de cette propriété inutilisée en contre-bas de son bâtiment principal.
C’est la dynamique entre ces deux acteurs et l’opportunité de la maison inoccupée qui a permis de concrétiser ce lieu. 
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C’est donc le Carrefour des habitants qui gère la Maison des Possibles et met à disposition une salariée, Julie, quatre jours par semaine pour sa coordination et son animation. Un Groupe Projet dédié du centre social s’y réunit aussi régulièrement.
Les habitant.es et celleux qui fréquentent la Maison des Possibles (sans forcément être adhérent·es) sont convié·es à ces temps de rencontre pour participer aux décisions et aux orientations du lieu : cela permet à chacun·e de s’impliquer et de proposer des activités.
Julie essaie de mettre en place une gouvernance partagée du lieu, méthode d’organisation à laquelle elle s’est formée à l’Université du Nous : dans les réunions qu’elle anime et les moments de décision des orientations du projet , elle fait appel aux outils d’éducation populaire pour s’assurer de la participation de chacun·e. 
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Après avoir cassé la croûte, l’animatrice m’embarque pour un tour de la maison. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il se passe des choses à La Maison des Possibles !
Au premier étage, la Maison dispose d’une cuisine, d’une petite salle à manger, d’une grande pièce qui peut accueillir des réunions, d’un bureau partagé où un écrivain public tient des permanences, d’une salle remplie d’ouvrages autour de la transition et de l’environnement à emprunter, d’une salle de bain, et d’une pièce équipée pour accueillir la radio associative M.
L’étage est entièrement dédié à la relaxation : des matelas et des lits permettent à chacun·e de se ressourcer.
En descendant l’escalier extérieur nous arrivons au rez-de-chaussée. A l’entrée, un panneau recense les compétences et propositions des personnes qui fréquentent le lieu : pour les fêtes de fin d’année par exemple, deux coiffeuses solidaires proposent des coupes gratuitement. On trouve au rez-de-chaussée une deuxième cuisine, un atelier pour divers bricolages et arts plastiques, et un espace de gratuité pour donner et récupérer vêtements et autres objets pratiques du quotidien. 
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En ressortant de la maison pour aller visiter le jardin partagé, nous croisons Jordan qui vient d’arriver en service civique à la Maison des Possibles pour proposer de l’aide aux devoirs et l’animation d’ateliers.
Nous passons à côté du composteur public construit collectivement lors de la première édition de la Fête des possibles, puis d’un pigeonnier qui va être rénové grâce aux chantiers participatifs organisés par La Maison des Possibles.
Le jardin partagé est composé de divers îlots et terrasses, une ancienne friche transformée/valorisée de manière auto-organisée par les habitant·es lors du premier confinement.
Il est presque 14h, l’heure de l’atelier de réparation de vélos dans le garage. Ce sont aujourd’hui six personnes qui s’affairent autour de bicyclettes en tous genres pour les retaper et les revendre à prix libre ou contre l’échange de services. D’autres viennent avec leur propre vélo pour apprendre à le réparer. A travers cet atelier, un collectif vélo est d’ailleurs né sur le territoire pour faciliter le développement de pistes cyclables dans Nyons et les alentours, en lien avec les collectivités locales. 
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Autour d’un café, Julie me parle ensuite de son rôle d’animatrice du lieu, comment le faire vivre au mieux et faire participer les habitant·es.
C’est elle qui monte avec le centre social les dossiers qui permettent de percevoir les subventions de la CAF, de la Fondation de France, la DREAL, la conférence des financeurs, etc. qui financent entre autres son poste.
Elle coordonne les activités, communique sur le programme, organise des événements, représente la Maison des Possibles auprès de diverses associations et la mairie, et bien sûr travaille avec le Groupe Projet sur les orientations du lieu. Au quotidien, elle partage son temps entre son bureau, les ateliers, l’accueil des personnes qui viennent pour la première fois  ou qui peuvent simplement avoir besoin d’une oreille bienveillante et d’un moment de partage -, quand elle n’est pas à l’extérieur pour nouer de nouveaux partenariats.
Son travail se fait en transversalité avec ses 6 collègues salarié·es du Carrefour des Habitants.

2. Une maison au carrefour des enjeux sociaux et des enjeux écologiques

Rendre concrets, palpables, opérationnels les liens entre les enjeux sociaux et les enjeux écologiques, c’est un des défis que s’est lancée la Maison des Possibles.
La spécificité de ce projet est qu’il émane d’un centre social. Julie nous explique pourquoi le centre social a souhaité s’attaquer à ces nouveaux défis, et comment ça se traduit.

Peux tu revenir sur ce qui a poussé le centre social le Carrefour des Habitants à s’ouvrir aux enjeux écologiques ?

Tout d’abord, il est judicieux d’imaginer que répondre aux enjeux écologiques peut faire faire des économies pour le porte-monnaie.
Se mobiliser pour la cause écologique peut aussi être créateur de liens sociaux, ce qui est le cœur de métier des centres sociaux qui travaillent aussi beaucoup sur la question du « développement du pouvoir d’agir ». Un·e habitant·e peut rapidement se sentir utile en agissant sur ces causes.
D’autre part, la fédération des centres sociaux s’est dotée d’une motion concernant le « développement durable », l’enjeu devient donc commun. Le Carrefour des Habitants a lui aussi adapté ses statuts en Assemblée Générale extraordinaire.
L’idée est de construire une transition écologique pour tous par tous, histoire que ça ne devienne pas une affaire élitiste comme ça peut se raconter au sujet de la nourriture bio, parfois considérée comme trop chère. Par contre si on ajoute un circuit de récup’, des ateliers de transformations, de l’aide aux maraîchers bio contre des légumes déclassés, etc. là ça devient une affaire sociale. On peut aussi faire évoluer les consciences en considérant que se nourrir, peut devenir un poste principal de dépenses, mais bon, … c’est une autre histoire ! 

Peux tu donner un exemple d’un atelier ou d’un projet porté au sein de la Maison des Possibles qui est à la croisée des enjeux écologiques et sociaux ?

Euh, on essaie de le faire pour tous ! 
– un atelier de produits ménagers ou corporels maison : moins cher, ludique de le faire ensemble, meilleur pour la peau et la planète, etc ;
– l’atelier vélo prône la circulation en vélo, et la participation financière est libre ;
– le jardin partagé où les plants bio sont favorisés (même s’il y a sujet à débat autour de la récup’ – bio ou pas ?!) : partager un moment convivial entouré de verdure qui pousse grâce à nos soins, c’est magique ! 
– l’espace gratuité qui permet de se faire plaisir sans dépenser et sans produire de nouveaux vêtements ;
– la Fête des Possibles qui porte un message écologique, que l’on construit ensemble dans la gaieté plutôt qu’en colère.

Qu’est-ce qui au niveau du territoire du Nyonsais rend pertinent de traiter ces enjeux conjointement ? Est-ce que tu rencontres parfois aussi des difficultés ou des incompréhensions à le faire ?

Nyons est un territoire où la précarité existe, mais qui se vit aussi parfois de façon choisie par certain·es. L’idée peut être de se faire rencontrer celleux qui l’ont choisie et ont développé des trucs et astuces, et celleux pour qui c’est plus difficile à vivre.
Cette précarité choisie est en fait le symbole d’une prise d’autonomie par rapport au système dominant. Je pense donc qu’il est pertinent de traiter ces enjeux conjointement sur tous les territoires. 
D’autre part, Nyons est aussi un territoire qui risque de souffrir dans les années à venir, et c’est même déjà le cas, du manque d’eau.
Il n’y a pas beaucoup de maraîchers, l’autonomie alimentaire est loin d’être atteinte. Il y a un choix à faire : détourner l’eau du Rhône parce qu’on en a les moyens financiers (grâce au tourisme, qui accentue lui-même le manque d’eau) et continuer à se faire acheminer des produits alimentaires extérieurs, ou se retrousser les manches collectivement et trouver des solutions ensemble. 
C’est un travail de longue haleine, de transformation sociale globale, qui s’opère à plein d’endroits et qui rencontre des peurs liées au changement des habitudes et à la perte de pouvoir.
Alors oui il y a des difficultés, on est loin d’être au pays des bisounours, même dans la Drôme. Mais heureusement il y a des alliés locaux pour opérer ce changement et des réseaux comme le CTC* qui permettent d’échanger sur les possibles qui se font ailleurs. 
* Le CTC, Collectif pour une Transition Citoyenne, est l’association qui anime la Fête des Possibles, ainsi que le projet du Pacte pour la Transition

3. La Fête des Possibles et les portes ouvertes de la Maison des Possibles

A l’image de ce qu’il se fait à la Maison des Possibles, sa Fête des Possibles fut participative, éclectique, conviviale, et à la croisée des enjeux !
Cette journée festive a été non seulement inscrite dans le cadre de la Fête des Possibles, mais également dans la « Journée du Patrimoine » : « Inscrire cette journée dans ces deux évènements nous a permis de nous rappeler d’où nous venons, pour imaginer un futur plus juste et plus durable« , m’explique Julie. Cela a aussi permis de faire une sensibilisation croisée aux publics qui sont venus plutôt pour le patrimoine ou plutôt pour les Possibles. Ce sont en tout environ 150 personnes qui se sont déplacées pour participer aux ateliers et visiter les stands des associations présentes. 
Les activités et leur organisation ont été gérées par les personnes qui fréquentent la Maison des Possibles. Pour cette édition 2020, l’organisation s’est appuyée sur l’expérience de 2019 : les compétences ont été mises à profit et des habitudes ont commencé à se mettre en place. 
En déambulant parmi les ateliers et les stands des associations, les visiteur·rices ont pu écouter des parcours de vies racontés au « Voyage entre les Générations », se poser un moment à l’atelier de relaxation guidée, boire un jus sortant directement du pressoir mobile, s’informer auprès du planning familial et discuter sur la question du genre, faire connaissance avec l’association Centrales Villageoises qui promeut l’énergie photovoltaïque…
Un moment mêlant convivialité et militantisme, ouvert et accessible à toutes et à tous. 
Julie est particulièrement attachée à cet aspect de convivialité, elle m’explique :
« On part du postulat que la transition se fait à plusieurs, en collectif. Il parait donc important d’apprendre à se connaître, de se faire confiance pour pouvoir agir ensemble.
Ces temps permettent que les habitant·es s’entrecroisent, ça a un effet exponentiel pour les rencontres et c’est porteur d’initiatives futures. On se dit aussi que c’est mieux si ces changements peuvent se faire dans la joie et en poésie.
D’autre part, si dans transition on entend aussi du « participatif », il faut partir de qui sont les gens, et souvent ils aiment bien faire la fête (quand d’autres préfèrent des réunions).
Ces moments permettent aussi à chacun·e d’organiser un événement, de valoriser ce qu’ils savent faire : musique, art, etc. et donc laisser un espace d’expression des savoirs pour toutes et tous en prenant confiance en soi.« 

4. La Maison des Possibles, objet de structuration des transitions sur le territoire

La Maison des Possibles concentre un nombre important d’activités et fait se croiser de nombreuses personnes.
Au-delà de la sensibilisation des habitant·es qui passent à la Maison des Possibles, le projet porte un idéal de territoire. A la croisée entre l’action citoyenne, la prospective et la politique, la Maison des Possibles permet aux initiatives citoyennes de se structurer. 

Qui sont vos interlocuteurs et vos partenaires sur le territoire ?

On essaie de s’adresser à toutes et tous dans leur individualité.

Parmi les partenaires, il y a des pairs comme l’association familiale du haut nyonsais, les associations liées à la biodiversité (LPO, « Nous voulons des coquelicots »), à la mobilité (Mobicoop), l’énergie (centrales villageoises, CEDER), des médias locaux (Ensemble Ici, Radio M),  mais aussi des collectifs d’habitant·es « les Baronnies en transition », ou d’autres plus institutionnels comme l’Espace Jeunesse, le PNR des Baronnies provençales et des projets en perspectives avec la mairie et la communauté de communes.

On entend aussi trouver des points de rencontre avec des professionnel·les grâce aux chantiers participatifs : avis de charpentiers, architecte, dons de matériel par une grosse entreprise de bricolage, ou encore des professionnel·les du vélo pour le collectif vélo. 

En quoi la Maison des Possibles porte-t-elle une vision du territoire ? Comment cette vision entend-elle se réaliser ?

En tant que centre social, nous avons un projet social sur 3 ans.
Des axes de travail comme les solidarités, le partage entre les générations et les cultures ou encore le développement du pouvoir d’agir sont actionnés. Ainsi une vision est projetée de comment pourraient être les choses pour les habitant·es, afin que le système soit plus juste. On imagine alors des actions pour panser les plaies, éteindre les débuts d’incendies ou s’interroger sur les causes des nœuds que rencontrent les habitant·es et agir en amont.
L‘idée est de partager nos rêves, nos colères et de trouver des solutions collectivement pour y remédier. 

Merci, Julie ! Est-ce que tu as un dernier conseil pour des collectifs qui souhaiteraient lancer leur propre « Maison des Possibles » ?

C’est une bonne idée d’avoir un lieu…

  • Trouver un local gratuitement, afin de ne pas se noyer sous les frais.
  • Travailler le maximum possible en coopération, en co-portage, ne rien faire seul·e pour être sûr que ça ait du sens. Impulser mais pas faire à la place de.
  • Faire aussi la communication avec les habitant·es, histoire que le projet ne soit pas trop « professionnalisé »…